« Grand-père avait un éléphant » de Vaikom Muhammad Basheer
Publié le 20 Août 2015
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« Grand-père avait un éléphant » est un petit bijou.
Il fait partie de ces livres dont on se demande en les refermant comment l'auteur est parvenu à mettre autant de choses dans si peu de pages, autant d'émotions, autant de messages essentiels, autant d'évènements, autant d'informations, autant de sentiments forts, autant d'amour et d'humour.
Et tout ceci avec un style et un ton tellement naturels que l'histoire pourrait nous être racontée par un ami ou un parent lors d'une veillée. L'écriture de Vaikom Muhammad Basheer est tellement abordable que je me demande si ses ouvrages ne devraient pas figurer dans les sections jeunesse des bibliothèques. Je les verrais très bien à côté de ceux de Françoise Malaval et Patrice Favaro.
Mais, venons-en au livre en lui-même.
Il y a l'Islam tout d'abord et les multiples visages qu'il peut prendre.
Celui de la mère aveuglément attachée aux traditions, celles-ci étant synonymes pour elle de sa splendeur passée.
Celui du père ouvert à l'évolution, mais n'ayant pas les connaissances ni les moyens de cette transformation.
La fille, déchirée entre ses deux parents et une troisième forme d'Islam plus moderne incarnée par ses voisins.
L'auteur pose des questions d'une immense pertinence par la bouche de cette jeune fille de 20 ans qui, ayant été élevée totalement à l'abri du monde, pourrait tout aussi bien n'avoir qu'une dizaine d'année. Sa charmante naïveté permet d'aborder avec douceur et tendresse des aspects fondamentaux de la religion.
Qu'est-ce que Mahomet avait donc de particulier que les autres prophètes n'avaient pas ? Mahomet avait dit lui-même : « Je ne suis qu'un homme comme vous. » Donc, il n'avait rien de spécial. Alors pourquoi croyait-on à cette essence antérieure à toute création ? À qui poser la question ? Tant de gens croyaient en la singularité originelle des musulmans. C'était comme ça. On ne s'interrogeait pas. On croyait tout ce qu'on entendait. Pattoumma, Bapa, Oumma, comme les autres.
À travers l'histoire de cette jeune femme dont le « Grand-père avait un éléphant », c'est aussi à un superbe voyage en Inde que le lecteur est convié découvrant (à l'aide d'un glossaire placé en fin d'ouvrage) les mets, costumes et coutumes de ce fabuleux pays.
Mundu
(source image : Wikipédia)
Ghî
(source image : roseandcook.canalblog.com)
Enfin, dernier aspect mais pas des moindres, l'amour fait son apparition dans ce petit monde et Vaikom Muhammad Basheer nous livre une histoire touchante digne d'un conte de fée qui, même si la fin heureuse est décelable dès les premiers chapitres, nous berce tendrement et apaise les souffrances relatées, les incompréhensions notoires, les humiliations liées au regard des autres, les destins brisés.
Engagé très jeune dans la lutte pour l'indépendance du Kerala, plusieurs fois emprisonné, c'est dans ses propres expériences que l'auteur puise pour nous livrer cette magistrale leçon de vie dont la lecture est un baume.